Les auteurs, sont partis de Bruxelles et arrivés 3 mois plus tard à Compostelle ; ils ont emprunté le chemin de Paris et Tours et puis en Espagne le camino Francés.
Ils ne nous livrent pas un journal de leur pèlerinage ou la descriptions de leurs étapes, mais ils partagent avec nous leurs interrogations et réflexions, leurs enthousiasmes et émerveillements, et aussi leurs décep-tions.
Si j’ai bien aimé leurs questionnements notamment sur ce qui les motive à se mettre en route, sur ce qu’est pour eux être pèlerin, sur le sens qu’a le fait de supporter les difficultés et parfois la souffrance et de continuer malgré tout, sur les limites à ne pas dépasser, sur ce qui distingue le chemin de la balade… et si j’ai aussi aimé leurs enthousiasmes face à ces moments uniques de rencontre avec les paysages, avec les autres et avec eux-mêmes, à la chaleur de certaines rencontres fortuites, aux échanges avec certains hôtes d’une nuit, à tous ces petits gestes de ceux qui les voient passer…, j’ai surtout été interpellé par leur déception face à leur expérience du camino Francés.
Alors que leur traversée de la France les avait comblés dans leur attente face au pèlerinage, leur chemin en Espagne sur le camino Francés les a profondément déçus.
Déçus par la foule omniprésente (ils croisent plus de pèlerins entre Roncevaux et Larrasoaña que lors de toute la traversée de la France), cette foule qui gène le silence et la présence à soi-même, qui paradoxalement rends les véritables rencontres difficiles et qui entraîne bien malgré soi la course à l’hébergement. Cette foule qui remplit les commerces, cafés et restaurants et qui se comporte parfois comme des touristes en pays conquis ; qui entraîne aussi la difficulté et la rareté de contact avec les au-tochtones qui peuvent souvent se sentir envahis.
Et parmi cette foule, il y aussi ces sans-gêne qui bousculent pour être les premiers, qui témoignent peu de considération pour les commerçants, les hospitaliers, les autochtones, qui ne respectent pas non plus les autres pèlerins, qui monopolisent les espaces…
Il y a aussi les rouspéteurs, les jamais contents qui croient que leur statut de pèlerin leur donne tous les droits … Il y aussi les coquillards qui voyagent en voiture ou en cars, marchent les derniers kilomètres, arrivent les premiers à l’auberge et n’étant pas fatigués gênent le repos des autres…
Face à cette massification, le chemin se mercantilise et se fonctionnarise de plus en plus ; s’il est normal et bon que les villageois profitent matériellement de l’apport des pèlerins, il n’empêche que le pèlerin devient de plus en plus le client et que dans pas mal d’auberge l’hospitalier se transforme en fonctionnaire qui contrôle les crédenciales, met le cachet et attribue les lits…
Pour les auteurs, le pèlerinage, du moins sur le camino Francés, victime de son succès, s’enfonce dans une contradiction dont il aura du mal à sortir : plus il attire de monde, moins il permet de réaliser ce qui le rendait attirant !
Si la vision, bien sûr subjective, qu’ont les auteurs du camino Francés est très pessimiste (peut-être trop) et que d’autres pèlerins voient peut-être les choses différemment, il n’empêche que leur déception et leur constat interpellent.
Interpellation qui remet en question le statut du camino Francés en tant que « le chemin à faire » et interpellation personnelle quant à notre propre comportement de pèlerin : comment œuvrer pour préserver autant que faire se peut l’esprit du cheminement vers Compostelle.
A lire et méditer !
*Suzanne DUBOIS et André LINARD, Compostelle. La mort d’un mythe, Éditions Couleurs livres
peut être commandé sur : http://www.couleurlivres.be/html/nouveautes/compostelle.html